Les villages-courtils

chés cortis !
" Il en est des paysages comme des Hommes :
il faut un peu les vivre pour pénétrer leurs secrets "
H.Bernard
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Prairies bocagères

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Vergers

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Tour de haies

Courtils

Les villages-courtils sont des villages de plateau entourés d’une ceinture végétale. Ce motif paysager, autrefois répandu dans la Somme, est aujourd’hui en grande partie disparu, mais reste bien préservé en Picardie maritime, où depuis 2020, le Parc naturel régional Baie de Somme Picardie maritime œuvre à sa protection et sa valorisation.

Les origines

Le mot « courtil » vient du latin cortile, qui dérive lui-même de l’expression co-hortus, signifiant littéralement « à côté du jardin ». Jusqu’au XVIIIᵉ siècle, ce terme était utilisé en France pour désigner un petit jardin ou une cour de campagne, non fermée par des murs mais délimitée par des haies, du fagotage ou des fossés. Dans le langage picard, le mot « corti » désigne souvent la partie d’un jardin, généralement close de haies, où poussent quelques arbres fruitiers. Ce lien étymologique est d’ailleurs retrouvé dans plusieurs noms de villages de la région, comme Woincourt, Vaudricourt, Yaucourt, Hallencourt ou Bellancourt.

Dans les plateaux du Ponthieu et du Vimeu, le terme prend une dimension particulière. Ici, « courtil » désigne les pâtures entourées de haies qui ceignent les villages. Ces ceintures végétales, parfois évoquées dès la guerre des Gaules comme des « villages bosquets », forment une zone tampon essentielle entre le cœur des habitations et les vastes terres cultivées. Ce système agricole traditionnel, reposant sur la polyculture et l’élevage, permettait de protéger à la fois les cultures et le bétail, tout en s’adaptant aux conditions locales.

Aujourd’hui, ces courtils représentent un patrimoine paysager et culturel vivant. Outre leur fonction agricole originelle, ils offrent des services écosystémiques – des avantages directs et indirects que la nature procure aux populations – et incarnent toute une histoire de savoir-faire local. On en recense 62 dans le périmètre du Parc naturel régional Baie de Somme Picardie maritime, chacun d’eux témoignant d’une tradition rurale d’un grand savoir-faire et d’une harmonie entre l’habitat et la nature environnante.

Comment reconnaître un village-courtil ?

Par son implantation

Il est toujours situé sur un plateau, ici le Vimeu ou le Ponthieu. Il est souvent logé dans un léger creux, ou parfois à l’amorce d’une vallée comme Ochancourt ou Franleu sur le plateau du Vimeu.
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Par ses composantes paysagères

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Des vergers, parfois pâturés (pré-vergers). Le courtil ayant à l’origine des fonctions nourricières, les prairies étaient parfois plantées de vergers de plein vent. De nombreuse communes les ont préservés, on en replantent !

Des prairies bocagères, c’est-à-dire des prairies inclues dans un maillage de haies, qui sont une véritable zone tampon entre les habitations et les grandes cultures.

 Un tour de haies, qui fait le tour du village, soit entre la 1ère et 2ème ceinture de courtils, soit entre la 2ème et les champs. Ces chemins servaient à l’origine à déplacer les bêtes de parcelles en parcelles.

Par la disposition du courtil

Ces trois principaux élements constitutifs du courtils sont organisés comme une ceinture autour du village, au centre duquel on retrouve l’église. En picard, on dit que l’église est «muchée» (cachée) au sein du courtil.
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Par son architecture et l'organisation spatiale du bâti

On retrouve dans l'architecture traditionnelle des villages-courtils, une part de leur histoire agricole
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Des maisons basses allongées et des fermes traditionnelles picardes organisées autour d'une cour carrée

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Des potagers et jardins fruitiers à l’arrière des parcelles, constituant les première ceinture de courtils.

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Des granges souvent attenantes à la rue, avec une porte charretière. Ces dernières servaient, comme leur nom l’indique à faire passer les charettes vers la cour.

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Autrefois, une mare au centre du village, qui permettait de récupérer l’eau de pluie pour le bétail et jouait un rôle écologique important.

Les services écosystémiques des courtils

Un rempart naturel contre les aléas climatiques

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Obstacle naturel contre les vents et le gel

Les haies et bosquets atténuent la force du vent, limitant ainsi les dommages aux cultures et aux habitations. Elles réduisent les effets du gel en créant des microclimats protecteurs.
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Prévention des inondations et des coulées de boue

La végétation absorbe l’eau de pluie et ralentit son écoulement, réduisant ainsi l’érosion des sols et les risques d’inondations.
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Stockage du carbone et amélioration des sols

Les prairies et haies capturent le CO2 et enrichissent les sols en matière organique. Sans engrais ni produits chimiques, les sols vivants des courtils aident à lutter contre les phénomènes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents.

Un refuge pour la biodiversité et un allié pour l’agriculture

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Corridors écologiques pour la faune et la flore

Les haies et prairies forment des couloirs naturels permettant aux espèces de circuler entre différents habitats. Elles hébergent une diversité d’insectes et d’oiseaux auxiliaires qui régulent naturellement les parasites des cultures.
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Amélioration des rendements agricoles

Les sols protégés des courtils sont vivants, riches en micro-organismes et en matière organique, ce qui favorise une meilleure structure du sol. La mise en prairie d’une parcelle pendant un an régénère le sol et améliore sa productivité à long terme.
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Meilleur coexistence entre habitations et agriculture

Les haies limitent la propagation des produits phytosanitaires en créant une barrière entre champs et habitations, réduisant ainsi les tensions entre agriculteurs et riverains.
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Ombre et fraicheur aux troupeaux

Les arbres et haies offrent ombre et fraîcheur aux troupeaux, améliorant leur confort en été.

Une source précieuse de matières premières et d’alimentation

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Production de bois

Bois d’œuvre : utilisé pour la construction et l’artisanat.
Bois de chauffage : ressource renouvelable pour les habitants.

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Fonction nourricière

Les prairies et vergers offrent une alimentation locale et durable (viande bovine, fromage, fruits...).
Les haies peuvent fournir des baies ou autres petits fruits tandis que les bords de chemins sont parsemés d’autres végétaux sauvages comestibles.

Un cadre de vie préservé et identitaire

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Un cadre de vie agréable pour les habitants

Les courtils offrent aux habitants un cadre verdoyant propice à la promenade, à la détente et à la qualité de vie en milieu rural.
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Intégration du bâti dans le paysage

Les villages-courtils, semblables à des bosquets au milieu des champs et identifiables par l’émergence du clocher de l’église, créent une forte identité paysagère à travers les plateaux du Vimeu et du Ponthieu.

Le club des villages-courtils

Une initiative collective pour préserver un patrimoine d'exception

Face aux mutations modernes de l’agriculture et aux nouveaux modes d’habiter, l'entité paysagère des courtils se trouve aujourd’hui menacé.

 

Pour répondre à ce défi, le Parc naturel régional Baie de Somme Picardie maritime a lancé un club des villages-courtils. Celui-ci a pour ambition de réunir toutes les communes concernées, afin de mutualiser les savoir-faire et les initiatives locales en faveur de la préservation et de la valorisation de ces espaces précieux. Dès 2020, une première lecture de paysage à Ailly-le-Haut-Clocher a dévoilé le potentiel narratif et patrimonial de ces ceintures végétales. Officialisé en 2021, le club rassemble aujourd’hui deux ensembles de communes : l’un issu du plateau central du Ponthieu, et l’autre du plateau du Vimeu, formant ainsi un réseau solide et innovant.

Les actions du club se déclinent en cinq axes majeurs :

  1. Animation
    • Sensibilisation et valorisation du patrimoine à travers des initiatives originales, telles que des lectures de paysage contées en picard, qui transmettent l’histoire locale de manière ludique et authentique.

    • Organisation de balades gourmandes permettant « de goûter » aux richesses des courtils, renforçant ainsi le lien social et le sentiment d’appartenance.

  2. Accompagnement de projet

    • Soutien technique et stratégique pour aider les communes à requalifier et valoriser leurs courtils, en favorisant l’échange de bonnes pratiques et des démarches collaboratives intercommunales.

    • Actions spécifiques incluant :

      • la restauration ou la création de chemins de tours de haie,

      • l’aide au réaménagement paysager des centres-bourgs,

      • la restauration du patrimoine bâti caractéristique,

      • et l’assistance à la plantation de haies.

  3. Restauration et entretien

    • Mise en œuvre d’actions concrètes visant à restaurer et entretenir les haies ainsi que les autres éléments constitutifs des courtils, assurant ainsi la pérennité de ces zones tampons qui caractérisent le paysage rural.

  4. Préservation

    • Élaboration de plans de sauvegarde et de stratégies de planification pour comprendre et protéger durablement ce patrimoine, en intégrant les spécificités de chaque territoire et en anticipant les mutations futures, tant en agriculture qu’en urbanisme.

  5. Création d’itinéraires de découverte

    • Conception de parcours permettant aux habitants et aux visiteurs de redécouvrir les villages-courtils, mettant en lumière la richesse paysagère et historique de ces espaces, tout en créant du lien social et en renforçant le sentiment d’appartenance.

Lors d'une première rencontre organisée dans la commune d’Agenvillers, l’équipe du Parc naturel régional Baie de Somme Picardie maritime a présenté un livret complet et richement illustré. Ce document détaille l'analyse des villages-courtils du plateau du Ponthieu et propose des pistes d'actions concrètes pour leur valorisation. Fruit d’un travail collaboratif, il s'est imposé comme un outil essentiel pour guider élus et acteurs locaux dans la mise en œuvre de projets innovants, répondant aux enjeux actuels et futurs.

Par ailleurs, un second volume consacré aux dynamiques du plateau du Vimeu a été publié. Ce document met en lumière des projets transversaux visant à protéger et valoriser ce patrimoine unique. Il aborde notamment la valorisation du bois bocager, la relocalisation d’une agriculture de proximité ainsi que des réflexions sur les mobilités quotidiennes, soulignant l’engagement du Parc pour un développement territorial durable.

Les essentiels

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Pour aller plus loin :

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Le courtil dans l’imaginaire :

Venez découvrir l’histoire illustrée des lutins des haies - Légende de Picardie Maritime, projet ÔnirÔ, de Thomas Dupont, conteur.

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Connaitre et planter en Picardie maritime :

Initiez-vous aux plantes locales avec la palette végétale réalisée par le CAUE 80 en partenariat avec le conservatoire botanique de Bailleul et le Parc naturel régional Baie de Somme Picardie maritime.

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Langue picarde et courtil :

Pour reconnaître un paysage, il faut dans un premier temps pouvoir le nommer, le décrire. Au même titre que les inuits ont plusieurs mots pour décrire leur paysage neigeux, bon nombre des éléments qui composent les haies et plus largement les courtils connaissent une traduction en langue picarde. Venez découvrir les principales espèces végétales qui composent les haies du Ponthieu et le lexique picard qui les décrit.

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Plus de renseignements

Timothé Bénard

Timothé Bénard

Chargé de mission Paysages

t.benard@baiedesomme3vallees.fr

06 81 66 31 89 | 09 70 20 14 08

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